Nuit de mardi
Cette nuit, le sommeil est difficile à trouver. Quelque chose le gratte. Il se tourne et se retourne, comme lorsqu’il était enfant et qu’il bougeait pour trouver la position la plus confortable et dormir, mais rien n’y fait. Plusieurs fois, il se surprend à se gratter automatiquement avec frénésie et rien ne le soulage vraiment. En arrivant dans ce nouveau manoir familial quelques jours plus tôt, qui était habité en 1832 par l’un de ses ancêtres, quelque chose, sans doute de la poussière ou un autre élément provenant d’on ne sait où, a commencé à lui gratter la peau. Mais le plus curieux est qu’il ne s’agit pas d’un seul endroit, car tout son corps est touché par cet élément qui le fatigue de plus en plus au fil des jours.
Nuit de mercredi
Alors que cette fois le sommeil l’emporte vers de doux rêves, Quentin hurle subitement de peur et tombe sur le parquet froid. En essayant d’allumer la lumière, il glisse sur ce qui se révèlera quelque instants plus tard être du sang. Un second cri est évacué de sa gorge à la seconde ou il comprend que ce sang provient de sa lèvre inférieure qu’il était en train de ronger avec ses dents pendant son sommeil et dont le sang coule abondamment. Il court dans la salle de bain pour effectuer les soins de premiers secours. Il observe son reflet qui paraît flou à cause des larmes qu’il vient de verser et s’assoit contre le rebord de la baignoire pour panser sa blessure. En tournant sa tête vers la gauche, il remarque que les aiguilles de son horloge murale indiquent 4h36. Rien à faire, il ne dormira plus. Quentin décide de marcher dans le manoir afin de canaliser la peur qu’il vient de subir. En arrivant à la hauteur de la bibliothèque, un bruit très léger attire son attention. Il remarque une étagère un peu différente des autres avec l’un des livres qui est rangé différemment. Il est posé plus proche du bord, comme si quelqu’un voulait qu’il soit remarqué. En agrippant ce dernier pour l’observer, un petit clic déclenche un mécanisme et l’étagère pivote sur la droite pour y révèle un passage. Quentin est excité à l’idée de découvrir un passage secret tout en étant terrifié par l’odeur qui s’en dégage. - La torche ! dit-il en se souvenant qu’il en possède une dans le petit salon présent juste à côté.
Passage secret, 4h39
Il emprunte les escaliers qui paraissent ne jamais se terminer. En bas, il accède à une pièce assez ancienne, qui ressemble à une salle de torture féodale contenant une table remplie de clous, une cage de grande taille et un genre de gourdin en bois apparemment cassé en deux. Le plus troublant provient du centre de la pièce où est situé une sorte de guéridon avec un livre poussiéreux posé dessus. Dans un moment normal, rien ne paraitrait étrange à ses yeux, mais ici, dans cet environnement, ce livre paraît contenir quelque chose d’abominable, comme un secret qui ne devra jamais être révélé. L’envie étant plus forte que la crainte, il décide d’ouvrir l’ouvrage en bloquant les premières pages afin de révéler le chapitre défini par un grand marque page rouge. - Restructuration moléculaire et matérialisation de l’abomination ancestrale. Encore des conneries, dit Quentin. En refermant l’ouvrage sur lui-même et après que le guéridon ai vibré à cause du choc, une sorte de courant électrique très puissant paralyse son corps. Plus loin vers la droite, un couloir très sombre apporte à son oreille un bruit. Ce bruit ressemble à un élément spongieux qui vient de se déplacer, comme si quelque chose venait de comprendre qu’un humain était présent dans la pièce. L’air devient très froid, son cœur accélère très rapidement. Dans un mouvement de panique incontrôlable, il recul de plusieurs pas et son bras gauche touche le mur présent derrière lui. Quelque chose de chaud mouille sa manche de pyjama et commence à le gratter avec violence. Pour arranger la situation, la pile de sa lampe de poche se décharge. Il se retrouve dans le noir et complètement désorienté. Paniqué, rongé par son bras qui le démange et qu’il gratte jusqu’au sang, Quentin se met à courir vers ce qu’il pense être la sortie en percutant plusieurs murs au passage. La démangeaison générale qu’il ressent est sans nom et la douleur le fait se gratter si fort qu’il s’en arrache la peau.
L’abomination ancestrale
Dans sa course effrénée vers ce qu’il pense être sa libération, tout en hurlant de douleur à cause des démangeaisons insupportables, Quentin suffoque. Il ralentit jusqu’à s’agenouiller pour se frotter contre le sol afin de se soulager, mais rien ne le calme. Pris de folie, il se lève brusquement et il frotte tout son corps contre le mur le plus proche tout en hurlant. Il frotte avec tellement de force que la peau de son visage s’arrache. Il sent son corps l’abandonner, comme si la mort venait de lui annoncer que son tour était venu. Soudain, Quentin retrouve une once de lucidité lorsqu’il comprend que quelque chose se rapproche. Cette fois, la peur est plus forte et il décide de ne plus bouger malgré la douleur. Pendant sa crise hystérique, Quentin n’avait pas remarqué qu’une chose vivante et détestant les hommes était en train de s’approcher de lui. Elle n’est plus qu’à quelques pas. Quentin pleure, il respire très vite et a du mal à rester conscient. A la seconde ou la chose touche du bout de ses doigts l’épaule de Quentin, un hurlement inhumain, qui ressemble à un mélange entre les cris de l’enfer et les sanglots d’un enfant que l’on torture, est poussé par Quentin. Le son est tellement insupportable et provenant d’on ne sait quelle partie de son âme, que la chose se met à crier sans cohérence à son tour. Brusquement, la torche de Quentin s’allume de nouveau et dirige son faisceau vers la chose. Ce que Quentin observe est sans nom. Aucun humain ne devrait expérimenter un tel degré d’horreur. La chose ressemble à un fœtus géant avec une tête d’humain décomposée et disproportionnée par rapport au reste de son corps. Sa bouche et ses yeux sont fusionnés et du pus vert fumant coule depuis ses oreilles et son nez. Son cou est long et très fin, tandis que son corps ressemble à du vomi qui coule lentement sur le sol. La vision cauchemardesque représente tout ce qu’un humain normalement constitué déteste. Quentin, à bout de force, s’évanouit. L’abomination ancestrale, convoquée il y a plus de 200 ans par l’ancêtre de Quentin, libère sa haine des hommes en mangeant le corps de ce qui était il y a quelques instants encore, un homme. La chose, s’il est possible de la nommer ainsi, bloquée dans cette prison souterraine, ne pourra jamais mourir. Le livre interdit, posé sur le guéridon maudit, a été utilisé par l’ancêtre démoniaque de Quentin et a déclenché une situation impossible à comprendre pour un simple être humain. La formule, autrefois interdite à utiliser sous peine de mort, modifie en continue la composition moléculaire du corps de l’abomination ancestrale et la guérira à jamais. Pour la septième fois en 200 ans, un humain de la famille d’un ancêtre fou-à-lier, lui-même décédé en s’arrachant les membres de son corps à cause de la douleur qui le démangeait, vient de mourir. Comme son ancêtre, il est mort seul au fond de ce trou maudit, mangé par une chose provenant d’un autre temps, après avoir subi les pires démangeaisons au point de s’en arracher la peau.
Fin
*Ce texte est une création originale de H.L Noctis protégé par droit d'auteur. Vous pouvez le partager à condition de citer la source et le site.
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